Chapitre 6 : Port Libre

Les torches s'allumèrent, révélant une troupe de déserteurs et de brigands, accompagnés par les mages et les archères qui nous avaient dévalisés.
"Eh ! j'la reconnais celle-là ! cria un brigand. C'est celle qui a tué le chef de la caverne à Ironfist. J'étais avec eux !
- Eh bien ils vont payer pour avoir ruiné notre réseau de pillages de Sorpigal à Ironfist, déclara leur chef, un énorme soldat couvert de cicatrices."
Là-dessus, les brigands chargèrent en hurlant, et les derniers rangs écrasèrent les premiers contre... la porte. Peu préparés, nous avions décidé de fuir. Une volée de jurons qui feraient pâlir le plus instruit des charretiers en sortit. Les brigands n'étaient néanmoins pas stupides, et ils savaient ouvrir les portes, même quand un paladin et un chevalier la bloquaient. Quelques secondes et sorts de protections plus tard, la porte explosa en une gerbe de sciure, et des vétérans en armure dorée apparurent sur les marches de pierre. Ils étaient certainement beaucoup plus forts que nous, mais la porte les empêchait de nous attaquer en masse, et nous prîmes l'avantage. Lyna était discrètement grimpée sur le sommet du tour de porte, et tirait des flèches à bout portant dans les failles des armures, sans que les brigands ne la repèrent.
Après un combat long mais sans surprise, la porte était enfin libre. Nous entrâmes. Pas de nouveau comité d'accueil. Les brigands s'étaient probablement repliés. Après de nombreux couloirs amenant à des chambres, nous arrivâmes à la cave. Les quelques rats et brutes la gardant ne firent pas le poids, et nous pûmes piller à notre guise les importantes réserves des dragoons. Arrivés à la dernière salle, nous y entrâmes, et Jerec actionna l'interrupteur qui s'y trouvait, "pour ouvrir la salle au dessus". Il avait dû se tromper quelque part, car c'est la porte de la cave qui se ferma.
Nous restâmes enfermés trois jours, à lutter contre les rats et la faim. Au matin du troisième jour, la porte s'ouvrit, révélant des brigands triomphants, croyant nous trouver au bord de la mort, incapables de nous défendre. Mais la faim n'avait fait qu'empirer la colère de Jerec, et les brigands n'eurent même pas le temps de sortir leurs lames. Maintenant que nous étions libres, je pouvais utiliser ce parchemin que Falagar m'avait confié : un sort pour créer des rations. "Il n?est pas infaillible", m'avait-il prévenu. J'eus la chance de voir apparaître une montagne de nourriture devant moi. Après un copieux repas, nous étions tous au meilleur de notre forme, prêt à casser du dragoon.
Nous remontâmes les couloirs, jusqu'à la salle dont la porte était bloquée. Celle-ci était ouverte, découvrant une armée de vétérans, et leur chef, celui que nous avions vu à l'entrée. Le combat fut rude, mais nous étions préparés. De temps en temps, nous sortions nos arcs, et effectuions une "retraite stratégique" en bombardant nos ennemis de flèches. Une charge de Jerec et Natalya combinée à mes sorts et ceux de Lyna suffit à écraser les quelques survivants, et nous nous retrouvâmes face au chef des dragoons. Celui-ci sortit deux énormes épées, probablement des épées à deux mains, mais lui en tenait une dans chaque main. Il chargea en hurlant. Il n'avait plus rien à perdre : sa bande était en miettes, et ses trésors attireraient les brigands des autres bandes. Jerec peinait à contenir ses assauts, mais les sorts d'attaque que nous lancions faisaient leur effet. Il s'épuisa sur Jerec, et ne fut pas en mesure d'éviter les coups de Natalya. L'un d'entre eux traversa son armure, et il s'écroula sur le sol poussiéreux. La bande des dragoons n'existait plus. La salle contenait le butin de la bande : des objets précieux et une montagne d'or. Dans un coffre, Lyna trouva une magnifique dague ornée qui dégageait une puissante énergie magique. Après une petite analyse, j'en déduisis qu'il s'agissait de la légendaire dague vampirique, Mordred. Aucun membre de l'équipe ne portant de dague à part moi, je la pris.

La fin du chemin jusqu'à Port Libre nous fit regretter de ne pas avoir récupéré la charrette des mages qui nous avaient volés quelques jours plus tôt. Arrivés en ville, un drôle de type, un riche marchand à ce qu'il disait, nous donna 20000 pièces d'or pour avoir retrouvé Mordred, qui lui aurait appartenu. Jerec accepta sans trop de poser de questions ("Ben quoi ? De l'or c'est de l'or non ? On allait quand même pas refuser !") Quelques achats (et un fructueux placement) plus tard, nous étions en route pour la tombe d'Ethric le Fou. Un homme de Port Libre nous demandait son crâne pour des recherches magiques.

La tombe était creusée sous une des grandes collines de Port Libre. L'entrée, un petit bâtiment de pierres sombres collé à la colline, était gardé par une petite troupe d'archères. Celles-ci reconnurent ceux qui avaient décimé les dragoons et prirent la fuite, craignant pour leurs vies. Jerec explosa la porte d'un coup de pied, bien qu'elle fût ouverte "ça fait pas héroïque de rentrer dans un donjon avec la porte ouverte !", avait-il expliqué. Un court couloir nous mena à une petite salle, où se trouvaient trois portes, à dix mètres au-dessus du sol.
"Et on entre comment la dedans ? s'étonna Lyna.
- Attends je vais voir ! dis-je en préparant un Bond."
Mon saut me mena à la première porte, et j'eus à peine le temps de m'accrocher à la poignée pour éviter de retomber. "Je vais tomber ! criai-je à mes compagnons. Lancez un poids plume !
- Je n'ai pas ce sort en réserve, s'écria Lyna, tiens bon on va te rattraper !
Il se placèrent tous trois sous moi.
- C'est bon, lâche toi ! cria Natalya."
Au moment où je me lâchais, une série de cliquetis et de craquements retentit sous mes compagnons. La plate-forme sur laquelle ils se tenaient commença à monter. Eux, surpris, baissèrent leurs bras pour regarder le sol s'éloigner à une vitesse impressionnante, me laissant m'écraser lamentablement sur cet ascenseur de bois. Heureusement, celui-ci étant monté, je ne tombai que de quelques mètres, pas assez pour une blessure grave, mais suffisamment pour se faire mal et avoir l'air stupide...
Après une cascade d'excuses de Lyna, une grande tape dans le dos avec un "désolé mon vieux ! Ca ira ?" de Natalya et un interminable fou rire de Jerec, nous étions dans les couloirs sombres de la tombe. De construction simple, elle était composée de couloirs menant à des salles, où à chaque fois quelques squelettes et fantômes sortaient des tombes pour nous attaquer, mais rien de bien dangereux. Dans la dernière salle, je poussai un gros bouton en forme de crâne dans le mur, et nous n'eûmes plus qu'à redescendre.
"Allez, au milieu maintenant ! décida Lyna en se plaçant sur l'ascenseur de la porte centrale. Celui-ci ne daigna néanmoins pas bouger.
- Bah ? Il est cassé ou quoi ? demanda-t-elle, déçue.
- On a peut-être juste oublié quelque chose...
- Peut-être que l'autre marche encore !", suggéra Natalya.
Nous nous plaçâmes sur le troisième ascenseur, qui émit un "cligligligligligligligligliclac" joyeux en nous montant vers la deuxième porte. Une fois de plus, une série de couloirs et de salles, avec un interrupteur au bout. Le troisième ascenseur daigna enfin se mettre en route, et nous découvrîmes derrière la troisième porte une grande salle, gardée par quelques squelettes. Nous étions enfin dans une pièce qui sentait la nécromancie à plein nez : des boules de feu sortant des murs à intervalles réguliers, des squelettes enfermés dans des cages aux murs, des cadavres pendus au plafond... Tout cela ne nous touchait plus. Nous avions déjà trop tué pour que ces cadavres nous répugnent... Seule l'odeur de décomposition nous incommodait légèrement, mais nous avions d'autres choses à faire. Les salles latérales contenaient quelques spectres, et nous pûmes continuer vers les salles du fond. La première salle était vide. Seuls quelques cercueils étaient accrochés aux murs (et remplis d'or et d'objets précieux). Un petit couloir en sortait, menant à une autre salle où nous attendaient... des liches ! Une avalanche de sorts s'abattit sur Jerec qui était en tête, et nous dûmes nous enfuir en le portant jusqu'à la grande salle. Après un peu de repos et quelques sorts de soins et de protections, nous étions tous fin prêts à en découdre avec les liches.
Jerec chargea, Natalya lança un sort très utile effrayant les morts vivants, et Lyna et moi lancâmes tout ce que notre livre de sort comptait comme amabilités embrasées. Les quelques liches ne firent pas le poids, et elles ne furent bientôt plus qu'un tas d'os sur le sol. Après avoir actionné un nouvel interrupteur, notre groupe se dirigea vers le second couloir. Une nouvelle salle vide, et aux voix sifflantes que nous entendions à l'autre bout du couloir, d'autres liches étaient dans la salle suivante. La liche d'Ethric était probablement avec elles, et il était certainement un adversaire redoutable. Jerec avança prudemment, et s'arrêta au bout du couloir, tout près de la salle. Une liche passa devant lui sans le voir, il l'attrapa, la colla contre un mur, et la transforma prestement en éclats d'os. Les autres liches accoururent pour venger leur consoeur, et Jerec recula, revenant à notre niveau. Nous étions cachés à l'angle du couloir, Natalya et Jerec devant, Lyna et moi derrière, prêts à en découdre avec les liches qui arriveraient au maximum deux par deux. Les premières liches tombèrent sans résistance, attaquées par surprise. Les suivantes nous donnèrent plus de mal, mais ne nous inquiétèrent pas beaucoup plus. Les suivantes furent beaucoup plus coriaces. Leurs sorts étaient beaucoup plus puissants. Les rois liches. Les plus puissant mages noirs continuant leurs méfaits dans la non-vie. Ils étaient forts, mais combattre des créatures aussi maléfiques décuple la force des héros venus les affronter... Ou les fait fuir à toutes jambes ! Nous étions très motivés de nous battre contre des vrais "méchants", pas juste une troupe de brigands. Les liches moururent enfin après un combat acharné, laissant la liche d'Ethric avec pour seule garde deux liches. Jerec et Natalya chargèrent, concentrant leurs attaques sur les deux liches d'abord, puis sur Ethric. Natalya sortit un parchemin de son sac, et concentra son énergie en un sort que je ne connaissais pas, mais dont la source magique semblait être la même que celle du sort "créer rations" que j'avais utilisé la veille. Un puissant rayon jaillit de ses mains et frappa Ethric, dont le corps squelettique explosa sur le coup. Jerec ramassa le crâne de la liche, et le plaça dans son sac.

"C'était quoi ce sort ? demandai-je à Natalya le soir, à l'auberge.
- Je ne sais pas trop, avoua-t-elle. C'est un sort qu'avait créé mon père avant de partir pour le laboratoire d'Agar... Il n'en est jamais revenu. Il m'a dit avant de partir que ce sort avait pour but de détruire les morts-vivants. C'était un paladin très impliqué dans sa mission, ajouta-t-elle.
- Je... Je suis désolé... bredouillai-je.
- Bah, c'est de l'histoire ancienne, faut pas s'en faire avec ça ! dit-elle sur un ton qui se voulait enjoué, mais son visage révélait toute la tristesse et l'amertume qu'elle s'efforçait de ne pas montrer aux autres. Parle pas de ça aux autres, je déteste qu'on me prenne en pitié !"

Le mage fut très content de son crâne, et nous remercia grassement. Puis nous nous dirigeâmes vers les écuries, pour prendre la calèche qui se dirigeait vers Darkmoor. Trois jours plus tard, nous serions au pays maudit des morts vivants.

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